Mener à bien la transformation numérique d’une entreprise ne se limite pas à l’implémentation d’outils digitaux : il est vital d’accompagner le changement auprès des collaborateurs, premiers acteurs de cette transformation. Naomi Shirai, chez Associées & Kô, intervient régulièrement auprès de nos clients en collaboration avec Netsystem.
Après le confinement, les organisations ont réalisé qu’il était essentiel de modifier leurs méthodes de travail, notamment par le biais du numérique, accélérant de facto la transformation digitale en cours. Selon vous, quel est le défi le plus urgent aujourd’hui pour accompagner cette mutation du travail ?
Le plus grand challenge réside avant tout dans la prise de conscience qu’il n’y a plus de système fixe. Auparavant, les entreprises avaient quelque peu bâti leur propre modèle, soit fondé sur le présentiel ou selon une typologie propre au télétravail. Dans tous les cas, le cadre était relativement clair. Aujourd’hui, ce cadre a été remplacé par des situations au cas par cas. Le paradigme a clairement changé pour les métiers du type support ou back-office. Le changement se fait à tâtons : il n’y a plus d’organisation ou de règles définies.
Certains dirigeants et/ou managers attendent encore la fin de la Covid-19 pour revenir à la normale, comme si cette mutation du travail était due uniquement à une conjecture extérieure. Or la crise sanitaire est venue accélérer une mutation déjà en cours au sein même des entreprises. Il est urgent pour chaque organisation de mettre en place leur propre nouveau modèle. S’il n’existe pas de système « gagnant » en tant que tel, il est vrai que l’agilité est un facteur clé de réussite. Ensuite chacun doit trouver le mode d’organisation qui lui correspond.
Forcément on parle beaucoup d’agilité car les entreprises qui réussiront à s’adapter seront les grandes gagnantes de cette période. Mais comment parvenir à cette fameuse agilité ?
Le rôle du manager reste essentiel dans ce nouveau paradigme, tout en étant profondément affecté et donc transformé. Aujourd’hui les managers ressentent ce changement : avec leurs équipes à distance ils s’interrogent sur leur rôle voire même leur utilité. Or le dénominateur commun dans le changement de paradigme actuel réside surtout dans la culture du résultat, bien plus prononcée qu’auparavant. Cela est directement lié à l’essor du télétravail : ce dernier nécessite une confiance encore plus grande entre le N+1 et son équipe, qui n’était pas a ce point nécessaire avant son essor. Chacun se retrouve aujourd’hui avec un périmètre de responsabilité plus grand et donc un degré d’autonomie plus important.
Cette distance impacte directement la fonction du manager qui va devoir déployer des compétences relationnelles importantes pour parvenir à créer du lien dans l’équipe. Il devra assurer cette cohésion à distance et donc faire preuve d’adaptation, de créativité et d’empathie envers ses collaborateurs. La clé de l’agilité est là : dans la confiance entre les équipes et leurs managers, afin de préserver la fonction de ces derniers, tout en la faisant évoluer.
Quel conseil donneriez-vous à un dirigeant/responsable qui souhaiterait cette transition ?
Mon conseil primordial serait de poser un cadre avec les équipes. Pour certains, ce cadre n’a pas encore été posé et l’on rentre directement dans de la résolution de problèmes. Or, le fonctionnement (et non le contenu ou la résolution des sujets) doit être posé de manière explicite, idéalement en co-construction avec l’ensemble des collaborateurs. Sans cela, des non-dits s’installent et la situation de travail peut devenir inconfortable pour les équipes tout comme leur manager.
Chaque entreprise doit créer et incarner son propre cadre, il n’y a pas un seul bon modèle. Ce dernier doit se caler en fonction des membres de l’équipe, de leurs attentes et des besoins nécessaires pour atteindre les résultats escomptés.
Finalement, quel bilan tirez-vous de cette expérience du télétravail ? Avec quelles perspectives ?
Les choses sont capables de changer très vite et très fort. Le vrai challenge est de parvenir à garder son cap en s’adaptant en permanence. Le télétravail a agi comme un révélateur voire un catalyseur de la transformation des entreprises, à travers le levier du numérique.
La confiance et l’agilité sont intrinsèquement liées. Le numérique constitue un allié de poids pour cela. Le SI est au service des équipes et le digital doit permettre aux équipes de se concentrer sur des tâches à plus grande valeur ajoutée. A ce titre, il est important que le Directeur du Système d’Information participe au changement, au même niveau que les autres directions. Il représente la cheville ouvrière de la transformation des organisations.
Naomi Shirai, Associées & Kô